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Le Berre-Durupt Catherine

Festival 2010

Le voyage dans une boîte à chaussures

J’ai rencontré Joseph il y a huit ans, dans une boîte à chaussures. Sur l’étal d’un brocanteur, elle hébergeait des cartes postales. L’une attirait l’œil : la mer, une jonque, et une branche d’arbre joliment courbée pour mieux souligner la scène. Le tout était violemment coloré en rose. Je l’achetai, elle et vingt-cinq autres de la boîte avant de découvrir au dos de chacune la même écriturefine et penchée au dessus d’une signature.

Joseph, le marin de Douarnenez, écrivait à Titine, son amie, lui racontant ces longs mois de « serre-vice » à bord d’un croiseur cuirassé de la division des croiseurs d’Extrême Orient. En 1923.

Près de quatre-vingts ans plus tard, j’ai embarqué avec les mots de Joseph. De Port-Saïd à Yokohama. Un voyage presque immobile, dans les vieux manuels de géographie, sur les rayonnages des bouquinistes, dans les archives de la Marine à Cherbourg, Brest ou Vincennes, dans les souvenirs des lignes maritimes d’Extrême Orient. Un voyage au long cours, sans hâte, sans autre but que de parcourir l’histoire en même temps que le monde.

Un voyage où l’on croise Paul Claudel en ambassadeur, où la terre tremble à Yokohama, où les seigneurs chinois de la guerre menacent Shangaï et ses concessions, où les cartes dessinent le Tonkin, l’Anam et l’Indochine.

Un voyage raconté dans des carnets, des objets, des images réunis dans des… boîtes à chaussures.

Il y a aussi une bouteille à jeter à la mer : dans la première boîte, celle du brocanteur hélas anonyme, ne restait-il pas une ou deux cartes, un petit bout encore de l’histoire que l’on pourrait me raconter  ?

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